11/06/1998
Pages lues et relues
Je ne connais finalement pas grand-chose de toi. Je relis tes lettres à la recherche d’indices oubliés. Mais rien ne revient sinon quelques souvenirs communs, toujours les mêmes, usuels et roboratifs. Sont-ils également encore en toi ? Quelques brides de notre passé. Et apparaît cette jeune femme qui, sans doute, a bien du changer depuis les quelques jours de notre vie conjointe. Ne serait-ce que parce qu’il y a une adaptation de notre propre personnalité à l’approche de l’autre. Je suis- tu es – une page d’un livre qui retracerait ma vie, la tienne. Une page dont je conaitrais parfaitement le contenu mais dont l’essentiel m’échapperait. Les pages ultimes resteront totalement ignorées…Un livre brutalement refermé, que je ne pourrais jamais réouvrir à nouveau.
17:12 Écrit par arsobispo dans Mes recherches | Lien permanent | Commentaires (0)
11/09/1997
Une vengeance désastreuse
Antoine était au courant de notre liaison. Il est probable qu’il nous appréciait et décida de nous associer dans un projet. Las, notre rupture était récente. Un profond désarroi me fit hésiter avant d’accepter. Je ne peux toujours pas comprendre les raisons de cette décision. Est-ce le fait de poursuivre un côtoiement au quotidien ? Un lien indissociable impossible à casser… Me faire mal ? Aller jusqu’au bout d’une souffrance et la tordre dans tous les sens afin de l’assécher ? Sans doute. Mon instinct trouvait ainsi le moyen de râper jusqu’au néant un sentiment d’amertume et une douleur encore trop vive… Que sais-je ?
Ce fut une époque de mal être persistant. Faire semblant, continuellement. Placer le travail en avant de ses préoccupations alors que je n’avais qu’un seul désir, prendre à bras le corps celle qui n’était désormais plus qu’une collègue et l’étreindre… Passionnément.
La regarder, jour après jour, comme si de rien n’était. Ne plus lui exprimer mon besoin d’elle. Contraindre ces bouffées d’attirance, ces brusques relents d’amour. Parfois, ma poitrine s’en trouvait si oppressée que je sortais du bureau et allait reprendre mon souffle dans les couloirs.
Je lui en ai voulu. Oh combien ! Elle semblait si forte. Notre histoire avait disparue de son regard. Une vague était morte sur le sable, remplacée par une autre, et une autre, effaçant tout trace en elle.
J’ai voulu lui faire mal. Pouvais-je aller au delà de cette prétendue sérénité ? Fouir au plus profond de cette quiétude inflexible ? Je me suis alors imaginé afficher une nouvelle liaison. La rendre jalouse ? Non, bien sûr. Mais afficher, moi aussi, l’oubli de la passion, oui, sans nul doute possible.
Est arrivée une jeune femme, aux formes pleines et engageantes, dont j’ai oublié le nom. Enjouée et rayonnante, elle possédait un regard lumineux et une bouche ourlée et humide. Elle travaillait dans le bureau voisin et passait régulièrement nous voir. Faisait-elle un numéro de charme ? J’étais persuadé de ne pas la laisser indifférente… Alors j’ai sauté le pas et, un soir, j’ai plongé dans ses bras. Ce fut un coït bestial, rapide et vengeur. Expérience désastreuse pour moi, et sans doute douloureuse pour elle. J’ai fuit son domicile. En remontant sur ma moto, j’emportais un sentiment de honte et de mépris pour moi-même. La jeune femme reléguée à un objet, qui ne méritait sans doute possible ce trait de vengeance. Et par-dessus tout, cette impression, ridicule et stupide, d’avoir entaché la magnifique relation perdue qui m’unissait encore à Jeanne.
Pardon suis-je encore tenté aujourd’hui de demander à toutes deux.
Blues toujours. Memphis Slim, chantait en octobre 1963, d’une voix chevrotante, « Every time, kiss me » (Nervous man)…
18:42 Écrit par arsobispo dans Regrets | Lien permanent | Commentaires (0)
08/08/1997
J'aime retrouver le pays voilé
J'aime retrouver le pays voilé.
Il est fait d'évidences en forme de sous-entendu.
De sourires volés et de non dit.
D'effleurements et de connivences.
Je m'y sens bien, il permet tout.
L'imaginaire et le rêve n'ont pas de frontière.
C'est donc sur la carte de ma vie une tache blanche aux bords gommés aux côtes supposées, le long d'un océan.
En son centre, un mot : INCONNU.
J'ai souvent envie d'y pénétrer.
J'aime retrouver le pays voilé.
Je ne sais ce qui me retient.
Je n'ai pas d'appréhension ni inquiétude...
Mais un voile ne se déchire pas.
Un rêve qui s'achève disparaît de notre conscience dans ce néant qui l'a pourtant apporté.
C'est cette image qui sans doute me retient.
Peut-il être perdu définitivement comme le rêve ?
J'aime retrouver le pays voilé.
L'excitation lorsque je longe ses frontières participe à cette vaine retenue.
C'est une lecture sensible d'un ouvrage aimé qui doit se découvrir par fine touche.
Une approche que l'on fait durer.
Un désir attendu que l'on prolonge.
N'y tenant plus, on s'y plonge.
Alors la grâce et le charme rejettent au-delà de l'existence la cacophonie furieuse de la réalité.
Ces quelques mots sur la page blanche ne sont rien mais peuvent tout.
Ils n'ont d'épaisseur que quelques gouttes d'encre mais occupent aussitôt le monde qui nous porte.
Fragiles eux aussi, ils disparaissent tout à coup dès le livre refermé, mais laissent une trace sensible dont on ne se dépare pas ; le regret de ne pas les avoir rejoint.
Elle m'a téléphoné et m'a laissé un message pour que je la rappelle. J'ai plus envie de la surprendre en allant la chercher. Ne lui disons rien !
Sur le chemin, je me demande (une fois de plus !) si je ne vais pas lui proposer d'aller plutôt ailleurs. Le long des vieilles rues qui longent Saint-Roch, les Tuileries où même les quais de la Seine. La page est fine ; ne vais-je pas la déchirer ainsi par tant de brusqueries ?
- Fais plutôt durer ce livre, tu l'aimes tant. - Eternellement ? Ca deviendrait lassant !
Questions vaines, son bureau est vide...
De dépit, je rejoins les autres... mais n'y tenant pas, cédant à la faiblesse toujours innocente, je l'appelle et chouette, elle répond avec son rire si rafraîchissant ; elle accepte.
Le voyage peut reprendre. En fait une délicieuse dérive sans cesse renouvelée, au grès des vents qui soufflent près des côtes de ce pays du voile.
J'eus même droit à un palpitant coup de vent lorsque je surpris l'un de ses regards. Tout autre, profond, je fus certain qu'il contemplait la même chose que moi. Il faillit me faire chavirer...
Je regrette maintenant de ne pas m'y être plongé. Corps et âme.
C'est tout ce dont je me souviens.
Le livre s'est refermé sur cette image.
Le mot FIN n'y figurait pas, mais l'adieu final oui.
J'ai descendu quelques marches.
Elle se tenait droite, lumineuse, le long de la rambarde.
J'ai failli remonter pour lui déposer sur les lèvres un baiser.
Mais cette faiblesse (jamais innocente) m'a poussé vers le vide tant encombré de notre réalité.
Je lui ai seulement souhaité de bonnes vacances et surtout... de bonnes lectures.
Ne serait-ce que pour qu'elle oublie celle-ci.
19:38 Écrit par arsobispo dans Mes rêves | Lien permanent | Commentaires (0)
13/05/1997
C’était un 13 mars 1981
Notre rencontre… non, ce n’est pas le terme qui convient. Liaison ?... Non, ce n’est pas non plus ça. Quel peut-être le terme qui conviendrait pour désigner ce que nous avons vécu ensemble et ce que je continue de vivre, seul sans doute, mais toujours aussi intensément. Je ne trouve pas le mot. Reprenons en changeant de style afin de ne pas le nommer…
Tout a commencé le 13 mars 1981. J’ai déjà parlé de ce jour, ou plutôt de cette soirée. Je n’ai pas parlé de la nuit qui a suivie. Des prémices d’un bonheur intense et d’une douleur extrême. Depuis, le bonheur s’est enfui, la douleur est toujours présente. D’autres l’ont dit. Avec peut-être plus de conviction. Certains avec grandeur, d’autres avec émotion. Ceux qui écoutent sans savoir ne peuvent imaginer la vérité de cette expérience. Pour ma part, peu importe que les poètes la transcendent pour en tirer des vers que la sensiblerie masque d’un vernis qui n’est à mes yeux que craquelures ternies et rugueuses. Je suis pitoyable lorsque ces souvenirs me rattrapent, lorsque une partie de ma vie s’enfuie en chimères. Alors, je m’ébroue, par l’épreuve de l’écrit, le seul atelier qui fusionne ce passé en acceptable présent.
14:28 Écrit par arsobispo dans Souvenirs... | Lien permanent | Commentaires (0)
06/06/1995
J’ai une fois encore passé la nuit avec toi.
J’ai une fois encore passé la nuit avec toi. C’était doux…
Comme un breuvage chaud au sein d’une nuit glaciale. Une tasse de café au lait avec sa légère pointe d’amertume au réveil.
Il est 3 heures trente du matin. La bas, il doit faire nuit noire comme le soir ou je voulais être le premier à te souhaiter une heureuse année avec cette carte que tu n’as jamais trouvée.
Je ne savais pas ou tu habitais. Mais le village de Brousse n’est pas bien grand. J’avais traîné le long des murs et des grilles, à la recherche d’un indice. J’avais parcouru tout le village mais rien trouvé. Il s’était assoupi, se refermant sur lui-même, protégeant ses habitants, leur intimité et surtout leur identité. J’étais déçu. Et puis, là, près de l’église, à l’entrée du village, une grande maison sur la droite m’a attiré. Je me suis approché. Elle avait une esthétique saugrenue qui lui donnait des airs de bourgeoise perdue à la campagne. Les fusains taillés qui bordaient l’entrée frisaient la pédanterie. Mais là non plus, pas de nom, pas de signe. Puis, en tournant la tête vers un portail de fer. J’ai vu la vieille R6, comme celle que tu possédais et que tu m’avais tant et tant de fois confiée pour mes retours au cœur de la nuit parisienne. Cette voiture était immatriculée dans le 94, comme la tienne. Etait-ce la tienne ? J’en étais persuadé. Je suis retourné face à la maison hautaine. Tout était désespérément éteint. A 4 heures du matin, je n’ai pas osé sonner. Alors, j’ai glissé ma carte de bienvenue au pays de Cocagne entre 2 barreaux de la grille, avec l’espoir que tu la trouves. Espoir vain promis à l’échec. Je suis reparti.
Je viens de visionner un film vidéo que j’avais tourné en juillet 82 pendant mes vacances. Ma famille et moi, nous étions alors à Oléron. Je me suis souvenu que toutes mes pensées alors allaient vers toi. T’écrire, te téléphoner, tenter un impossible rapprochement étaient alors mes préoccupations premières.
10 ans plus tard, rien n’a vraiment changé. C’est sans doute pire car voué au néant. Je t’écris régulièrement puis jette tout ce sentimentalisme au feu.
Pour une grande part, le sujet du film était des scènes ou évoluait ma petite fille. Elle était adorable. Je me rends compte aujourd’hui combien elle importait pour moi. Je n’ai pas honte de le dire, elle et toi étiez les deux personnes qui comblaient tout mon amour. Le temps a passé. Et ces amours ont bien changé. Paradoxalement, bien que ma fille soit près de moi très régulièrement, je me sens plus proche de toi. Cela n’est pas vraiment une surprise ; la distance d’une absence irrémédiable, l’éloignement, protègent mes souvenirs. En la regardant, petite, m’appeler sur l’écran, je ne peux pas regretter d’avoir refusé le divorce. Après notre séparation, c’est probablement sur elle que j’ai reporté l’amour vain que tu avais fait naître en moi. Elle me l’a bien rendu. Aujourd’hui, tout cela s’est liquéfié dans le cours des jours et des années. Il ne reste que cette croûte d’un amour qui n’a jamais été consommé, trop dure, et qui encore aujourd’hui, n’a qu’un seul parfum, le tien.
Ta fille doit avoir aujourd’hui le même âge que celle de cette petite fille qui courre sur l’écran. Tu dois ressentir cet amour qui était le mien. J’ose espérer qu’aujourd’hui, tu peux comprendre mon attitude d’alors. Tout comme je ressens aujourd'hui une solitude qui devait alors être tienne.
15:50 Écrit par arsobispo dans Souvenirs visuels | Lien permanent | Commentaires (0)
22/03/1995
Vous ici ?
Je ne prends jamais le métro. Depuis plusieurs années, je ne circule qu’en moto. Ce qui me donne parfois des sueurs froides. Non pas d’ailleurs lorsque je suis sur la route, mais plutôt rétrospectivement, et en général dans mon sommeil. Alors pourquoi ai-je rêvé cette nuit que je la retrouvais au détour d’un couloir d’une station de métro que je suis bien incapable d’identifier.
Je sortais, visiblement, d’une rame. Une rangée de portillons bloquait une foule compacte. Les gens se croisaient en se bousculant. Elle est apparue devant moi. Je lui ai aussitôt saisi le bras. Rien n’aurait pu me détacher elle. Et dans le même mouvement, je l’ai entraînée vers le mur ; réduit de calme relatif. Sans lui laisser le soin de dire quoi que ce soit, je l’ai embrassé sur les deux joues. Mes yeux l’étreignaient. Elle ne sembla pas surprise. Peut-être prit-elle le soin de ne rien en laisser paraître ? Je la serrai toujours contre moi. Son bras emprisonné par ma main, s’abandonnait. Elle ne me repoussa pas. Son autre bras s’écarta et attrapa quelqu’un. Je tournais mon regard. C’était son mari. Aussitôt, je l’embrassais aussi, sur les deux joues. Pourtant n’était-il pas un inconnu ? Un réflexe sans doute. Comme si ces bises réduisaient à une simple formule d’usage et d’insignifiance celles que je venais de donner à son épouse. Ce qui n’était pas le cas…
Je me suis toujours posé la question de ma réaction à son éventuelle rencontre. De la sienne aussi. Un long silence peut-être. Une paralysie totale, de geste comme d’expression ? Un coup au cœur certainement. Quelque chose qui vous laisse knock-out. Je ne me serai jamais imaginé cette attitude là ; cette douceur et ce naturel artificiels derrière un affolement infini. L’homme avait les cheveux courts. Je me rendais compte qu’ils étaient décolorés. Une taille sévère le cachait. Elle, semblant guère troublée, me présentait, accentuant la stupidité de ma feinte reconnaissance. Je me suis alors réveillé.
Je lui en ai voulu de m’avoir volé les quelques instants de sa rencontre. Salaud !
18:52 Écrit par arsobispo dans Mes rêves | Lien permanent | Commentaires (0)
06/07/1994
Ton nom
Je n’ai plus aucun courage. La lassitude au coin de l’esprit qui s’élève et comprime tout désir. Je tourne en rond. J’ai besoin d’exercer mon attention à une tâche, peu importe laquelle. Mais inexorablement elle s’échappe. Il n’y a rien qui semble capable de retenir mon attention. J’ai faim de m’occuper de toi, d’être avec toi ; en toi. Je me retourne. J’ai une bouffée de chaleur. Je ne sais que dire. Je ne sais où je suis. Je vais écrire ton nom… dans une police si possible pas trop fiévreuse.

15:31 Écrit par arsobispo dans mes envois, perdus | Lien permanent | Commentaires (0)
13/03/1994
Plus qu’une brume mélancolique
Lui : tu viens boire un café ?
Elle : oui !
Lui : Je t’attends en bas
Elle : d’accord… A tout de suite (et fin).
Je sais pas qu’elle heure il peut être. J’aurais bien aimé te voir ce soir !!... mais tu pouvais pas. Alors on a été au ciné voir « Le facteur frappe (sonne ?) toujours 2 fois et puis t’es rentré. Moi aussi d’ailleurs. Il n’y avait personne quand je suis rentré !!... C’est drôle ! Alors je me suis fait à manger… Deux toasts avec du gruyère et des grains de raisin et maintenant j’écoute Barbara… Souviens toi et je t’écris. Ouais tu t’en es aperçu… Je sais… Demain je vais pas te voir et pas avant le milieu de la semaine prochaine maintenant… après t’auras peut-être pas le temps alors à bientôt. (De toute façon, ma carte, elle va encore arriver 15 plombes après la bataille… Elle existe pas ta rue où quoi ?) je voudrais te parler mais tu ne m’aides pas, alors… je sais pas… Oui, je sais, je sais pas grand-chose… T’en as marre ou quoi ? Est-ce que je continue ? Stop ou encore ?
Salut !
Jeanne !
A bientôt. Je t’aime bien quand même.
Ces mots ont été vite écrits sur une carte postale sur laquelle figure la photo d’un sous-bois dans un clair obscur brumeux. Jeanne a entouré le titre imprimé au dos « Ambiance Bretagne ». Ce n’est bien évidemment pas gratuit. La photo, signée Michel Follorou, est en noir & blanc. Accentuation d’une tristesse que les mots, jamais, ne soufflent. Le brouillard qui imprègne recto et verso de la carte postale ne signifie que détresse et amertume.
Il perdure encore en moi…
19:16 Écrit par arsobispo dans Correspondances | Lien permanent | Commentaires (0)
27/02/1992
Moi aussi, je t’aime bien
Salut
Tu vois c’est ma plante à 2 mois elle marchait pas encore… mais ?!!... Ca va ? Il était bon ton café ?... Tu sais, je te souhaite un super bon week-end avec du soleil… je te donne un stock de baisers pour ces deux jours… et une petite pile de clin d’œil… et puis je t’aime bien. Smack !!!!
Elle est belle ma carte – hein, c’est une carte typiquement catherinesque… Il est 16 heures et j’ai envie de te voir… Tu peux me téléphoner ce week-end tu sais ?!…
SMACKS !
Je t‘aime bien
« Je t’aime bien ». Le mot ‘bien’ me faisait enrager. Elle l’incluait presque toujours lorsqu’elle parlait de notre amour. Il ne signifiait rien en dehors du fait qu’il atténuait le sens des mots précédents. J’ai cru longtemps qu’elle l’utilisait pour se moquer de moi. Pour me montrer la futilité de notre relation. Un mot qui me repoussait en me tenant à quelques distances.
J’ai longtemps pensé ainsi. Aujourd’hui, je crois qu’au contraire il était là pour me protéger, ne pas me brusquer, me faire peur, m’obliger à m’engager plus avant dans notre relation. Je ne lui en veux plus de l’avoir tant et tant employé. Je sais qu’il accentue le sens d’aimer.
Et ces derniers mots, écrit de façon minuscule, prennent une autre dimension, celle d’un mystère, si profond qu’ils deviennent l’unique aveu tangible qu’elle m’adressait.
Moi aussi, je t’aime bien
06:25 Écrit par arsobispo dans Correspondances | Lien permanent | Commentaires (0)
28/02/1991
Un verre de Ume-shu
Nous nous sommes connus lors d’une formation professionnelle. Je ne me souviens absolument pas du thème ou de l’outil étudié. Fatalement, un truc informatique. Inévitablement, obsolète aujourd’hui. Les méthodes comme les produits sont à l’informatique une alimentation quotidienne, expulsés aussi rapidement qu’ingérés… Elèves studieux, nous devions parler de choses et d’autres qui nous avaient amené à un pari…Son motif ? Qu’importe ! Mais je l’avais gagné. Et elle me dû un restaurant.
Un soir, nous sommes donc allé dîner dans un restaurant. Je voulais lui faire découvrir la nourriture japonaise. A cette époque, cette cuisine était largement méconnue en France. Mais le quartier de l’Opéra, ou nous travaillions, commençait à être investi par des sociétés japonaises de tous poils qui tentaient de récupérer les flots de touristes japonais qui s’abattaient sur les vieux quartiers parisiens. Des bus notamment sillonnaient la capitale, s’arrêtant aux heures des repas devant ces tous premiers restaurants japonais. Ceux-ci, comme au Japon, étaient des sushi-Yasan, proposant sushi et sashimi ; des sobo-shabu, préparant les fameuses nouilles de sarrasin et plus rarement des shabu-shabu, spécialisés dans les fondues au bouillon. Par contre, très peu d’isakaya, ces restaurants traditionnels, car les circuits touristiques exigent des préparations rapides, des prix limités, et l’accueil immédiat de groupes de 50 personnes.
Voulant éviter la fureur, le bruit et la précipitation de ces lieux, je choisi le « Takara », un petit restaurant isakaya de la rue Molière, l’un des premiers à s’être installé au coeur de Paris ; un lieu calme et confortable dans une atmosphère douillette. Et une indéniable cuisine de qualité.
Nous étions les seuls clients.
Je me rappelle que Jeanne pris un verre de ume-shu, une légère liqueur de prune, particulièrement appréciée à l’apéritif par les japonaises. Elle le dégusta, en prenant du plaisir. Par la suite, elle ne manqua jamais d’en commander à chacun de nos repas nippons.
Le poisson cru, qu’elle n’avait jamais goûté, lui fit peur et elle commanda un sukiyaki. Je choisi de mon côté un sashimi lui proposant alors de goûter quelques morceaux.
Après ? Que dire ? Plus rien de consistant ne remonte à ma mémoire. Sinon, une impression indécise d’une vague douce et puissante qui nous emporte tout deux.
Lorsqu’ un autre couple pénétra dans le restaurant, nous nous tenions par la main.
Les mots devaient être inutiles car aucun ne me revient en mémoire.
Nous quittâmes le restaurant puis, après une promenade pleine de langueur, passâmes notre première nuit commune… Je me souviens d’un grand bonheur et d’une immense douleur.
Jeanne me réconforta.
Je sus déjà qu’elle venait de se lover à jamais dans ma vie.
09:33 Écrit par arsobispo dans Nos lieux | Lien permanent | Commentaires (0)