06/06/1995
J’ai une fois encore passé la nuit avec toi.
J’ai une fois encore passé la nuit avec toi. C’était doux…
Comme un breuvage chaud au sein d’une nuit glaciale. Une tasse de café au lait avec sa légère pointe d’amertume au réveil.
Il est 3 heures trente du matin. La bas, il doit faire nuit noire comme le soir ou je voulais être le premier à te souhaiter une heureuse année avec cette carte que tu n’as jamais trouvée.
Je ne savais pas ou tu habitais. Mais le village de Brousse n’est pas bien grand. J’avais traîné le long des murs et des grilles, à la recherche d’un indice. J’avais parcouru tout le village mais rien trouvé. Il s’était assoupi, se refermant sur lui-même, protégeant ses habitants, leur intimité et surtout leur identité. J’étais déçu. Et puis, là, près de l’église, à l’entrée du village, une grande maison sur la droite m’a attiré. Je me suis approché. Elle avait une esthétique saugrenue qui lui donnait des airs de bourgeoise perdue à la campagne. Les fusains taillés qui bordaient l’entrée frisaient la pédanterie. Mais là non plus, pas de nom, pas de signe. Puis, en tournant la tête vers un portail de fer. J’ai vu la vieille R6, comme celle que tu possédais et que tu m’avais tant et tant de fois confiée pour mes retours au cœur de la nuit parisienne. Cette voiture était immatriculée dans le 94, comme la tienne. Etait-ce la tienne ? J’en étais persuadé. Je suis retourné face à la maison hautaine. Tout était désespérément éteint. A 4 heures du matin, je n’ai pas osé sonner. Alors, j’ai glissé ma carte de bienvenue au pays de Cocagne entre 2 barreaux de la grille, avec l’espoir que tu la trouves. Espoir vain promis à l’échec. Je suis reparti.
Je viens de visionner un film vidéo que j’avais tourné en juillet 82 pendant mes vacances. Ma famille et moi, nous étions alors à Oléron. Je me suis souvenu que toutes mes pensées alors allaient vers toi. T’écrire, te téléphoner, tenter un impossible rapprochement étaient alors mes préoccupations premières.
10 ans plus tard, rien n’a vraiment changé. C’est sans doute pire car voué au néant. Je t’écris régulièrement puis jette tout ce sentimentalisme au feu.
Pour une grande part, le sujet du film était des scènes ou évoluait ma petite fille. Elle était adorable. Je me rends compte aujourd’hui combien elle importait pour moi. Je n’ai pas honte de le dire, elle et toi étiez les deux personnes qui comblaient tout mon amour. Le temps a passé. Et ces amours ont bien changé. Paradoxalement, bien que ma fille soit près de moi très régulièrement, je me sens plus proche de toi. Cela n’est pas vraiment une surprise ; la distance d’une absence irrémédiable, l’éloignement, protègent mes souvenirs. En la regardant, petite, m’appeler sur l’écran, je ne peux pas regretter d’avoir refusé le divorce. Après notre séparation, c’est probablement sur elle que j’ai reporté l’amour vain que tu avais fait naître en moi. Elle me l’a bien rendu. Aujourd’hui, tout cela s’est liquéfié dans le cours des jours et des années. Il ne reste que cette croûte d’un amour qui n’a jamais été consommé, trop dure, et qui encore aujourd’hui, n’a qu’un seul parfum, le tien.
Ta fille doit avoir aujourd’hui le même âge que celle de cette petite fille qui courre sur l’écran. Tu dois ressentir cet amour qui était le mien. J’ose espérer qu’aujourd’hui, tu peux comprendre mon attitude d’alors. Tout comme je ressens aujourd'hui une solitude qui devait alors être tienne.
15:50 Écrit par arsobispo dans Souvenirs visuels | Lien permanent | Commentaires (0)
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