28/02/1991
Un verre de Ume-shu
Nous nous sommes connus lors d’une formation professionnelle. Je ne me souviens absolument pas du thème ou de l’outil étudié. Fatalement, un truc informatique. Inévitablement, obsolète aujourd’hui. Les méthodes comme les produits sont à l’informatique une alimentation quotidienne, expulsés aussi rapidement qu’ingérés… Elèves studieux, nous devions parler de choses et d’autres qui nous avaient amené à un pari…Son motif ? Qu’importe ! Mais je l’avais gagné. Et elle me dû un restaurant.
Un soir, nous sommes donc allé dîner dans un restaurant. Je voulais lui faire découvrir la nourriture japonaise. A cette époque, cette cuisine était largement méconnue en France. Mais le quartier de l’Opéra, ou nous travaillions, commençait à être investi par des sociétés japonaises de tous poils qui tentaient de récupérer les flots de touristes japonais qui s’abattaient sur les vieux quartiers parisiens. Des bus notamment sillonnaient la capitale, s’arrêtant aux heures des repas devant ces tous premiers restaurants japonais. Ceux-ci, comme au Japon, étaient des sushi-Yasan, proposant sushi et sashimi ; des sobo-shabu, préparant les fameuses nouilles de sarrasin et plus rarement des shabu-shabu, spécialisés dans les fondues au bouillon. Par contre, très peu d’isakaya, ces restaurants traditionnels, car les circuits touristiques exigent des préparations rapides, des prix limités, et l’accueil immédiat de groupes de 50 personnes.
Voulant éviter la fureur, le bruit et la précipitation de ces lieux, je choisi le « Takara », un petit restaurant isakaya de la rue Molière, l’un des premiers à s’être installé au coeur de Paris ; un lieu calme et confortable dans une atmosphère douillette. Et une indéniable cuisine de qualité.
Nous étions les seuls clients.
Je me rappelle que Jeanne pris un verre de ume-shu, une légère liqueur de prune, particulièrement appréciée à l’apéritif par les japonaises. Elle le dégusta, en prenant du plaisir. Par la suite, elle ne manqua jamais d’en commander à chacun de nos repas nippons.
Le poisson cru, qu’elle n’avait jamais goûté, lui fit peur et elle commanda un sukiyaki. Je choisi de mon côté un sashimi lui proposant alors de goûter quelques morceaux.
Après ? Que dire ? Plus rien de consistant ne remonte à ma mémoire. Sinon, une impression indécise d’une vague douce et puissante qui nous emporte tout deux.
Lorsqu’ un autre couple pénétra dans le restaurant, nous nous tenions par la main.
Les mots devaient être inutiles car aucun ne me revient en mémoire.
Nous quittâmes le restaurant puis, après une promenade pleine de langueur, passâmes notre première nuit commune… Je me souviens d’un grand bonheur et d’une immense douleur.
Jeanne me réconforta.
Je sus déjà qu’elle venait de se lover à jamais dans ma vie.
09:33 Écrit par arsobispo dans Nos lieux | Lien permanent | Commentaires (0)
16/02/1988
Réunion de travail
Tu me manques... Toujours autant. Il suffit que je passe quelques instants en ta présence, en rejetant toute volonté d’intimité, en me persuadant qu’il s’agit d’une habituelle rencontre avec un camarade, un collègue pour qu’alors un flot d’amertume comprime mon cœur et me laisse dans un état lamentable face à ce gouffre d’absence que ces 10 dernières années ne cessent d’approfondir. Mais je me force. Ne rien laisser paraitre. Rester professionnel. Oublier cette intimité qui me hante. Les quelques autres participants à cette réunion ne peuvent se douter que je ne suis pas avec eux. Je ne vois que toi, je n'écoute que toi, je ne pense qu'à toi. Moi qui fanfaronne pour mieux cacher ce que je ressens si intimement.
15:38 Écrit par arsobispo dans Nos lieux | Lien permanent | Commentaires (0)